Photos : Perrine Dutreil et Matthieu Crocq Texte : Sophie Caillat |
Aux heures creuses, l'ennui... |
Elle a choisi d'écrire son nom en gras sur le badge. Derrière son uniforme, caban bleu ciel unisexe et chapeau façon hôtesse de l'air, on découvre de grands yeux bleus, et un doux sourire. Son accent est presque méridional. Mais sa chaleur immédiate et son franc-parler sentent bien le Nord. Recrutée il y a deux ans pour aider les voyageurs désorientés et soulager les autres employés de la gare, Audrey a déjà « l'impression de faire partie des meubles ». Mais beaucoup de voyageurs ne comprennent pas ce qu'elle fait là. Pas encore accoutumés à ces « agents d'ambiance », ils continuent à demander conseil aux cheminots ou aux contrôleurs. Ce qui oblige Audrey à tout réexpliquer : « Je suis emploi-jeune, à votre service... » Bizarrement, Audrey n'aime pas trop les trains. Il y a deux ans, elle en prend un pour la première fois de sa vie, pour aller à Paris passer les tests d'embauche. Et depuis, elle ne sest offert quune escapade. « Le TGV, ça secoue plus que ce qu'on dit. » De temps en temps, elle doit s'occuper de la vente ambulante dans le Lille-Paris entre 7 et 10 heures du matin. Elle n'apprécie d'ailleurs pas beaucoup de tirer le chariot, « encombrant ». Audrey
se sent bien dans cette gare : elle a « le goût
du contact ». Compatit à la panique de ceux qui ont
raté leur train ou sont en retard, s'attendrit sur l'impatience
des copines de militaires. Généralement,
on vient la voir pour tout et rien, le plus souvent pour pas grand chose : Il y a bien quelques personnes qui viennent la voir sans problème à résoudre. L'agent de sécurité, Saïd, chic dans son costume noir, vient pour la saluer. Il lui confie son humeur du jour, la taquine gentiment, puis la laisse avec les clients. Les « paumés », eux, ne sont jamais pressés, et aimeraient bien discuter. « On fait du social ici, mais moi, c'est pas mon truc. » Mimoune, « un copain clodo », vient régulièrement lui dire bonjour. « Il braille, mais il obéit. » Elle fait semblant de comprendre ce qu'il articule, lui montre qu'elle est contente de le voir. Mais elle a rarement du temps pour lui, et il repart. « Avec lui, ça se passe toujours bien. » Audrey préfère être débordée plutôt que d'être « une potiche ». « On n'a pas le droit de sortir de la gare ni de s'asseoir », alors pendant les heures creuses, entre 9 h 30 et 11 h, elle s'ennuie ferme. Pourtant ce vendredi soir, elle n'a pas cinq minutes pour souffler. Arrivent deux aveugles, qui ont besoin d'elle pour trouver leur quai. Audrey doit les accompagner dans le train. « Ça fait du bien de se sentir vraiment utile », glisse-t-elle.
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