Photo : Aymeric Scuvie Texte : Frédérique Letourneux |
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Le café est presque désert. Une musique suave aux accents romantiques dégouline des haut-parleurs. Ambiance feutrée, presque volée à l'agitation du dehors. Dans l'autre monde (séparé du nôtre par une baie vitrée), on crie, on pousse de lourdes valises, on court après le temps comme après un train. Les regards se croisent et s'oublient Le calme de la brasserie est envoûtant par l'immobilité pesante qu'il donne aux visages et aux gestes. Dans un coin, un vieil homme boit lentement un petit café. Emmitouflé dans son anorak, il semble sur le départ et pourtant je l'observe depuis bientôt une heure. Machinalement, sans y penser, il tapote nerveusement sa soucoupe avec sa petite cuillère. Dans le cendrier, les vieux mégots s'accumulent avec régularité. Chaque cigarette devient cette compagne qui donne sens à l'absurdité d'une attente inutile. Je note distraitement le va-et-vient des autres habitués : ronde aux rythmes mécaniques, connus et reconnus. Ces solitaires du petit matin se saluent d'un geste de la main avant de rejoindre sans hésitation leur place attitrée. La serveuse écoute distraitement la commande : un « p'tit noir », comme d'habitude Chacun de ces visages ridés, usés, parle à mon imagination de voyages sans fin et d'espérances déçues. Le regard pendu à la vieille horloge, ces vieux Maghrébins attendent simplement que le temps s'étiole, doucement.
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