Photo : Perrine Dutreil – Texte : Sarah Fréquelin

 

 

 

Des carcasses d'acier. Chaque nuit, quatre ou cinq trains restent en gare. Disciplinés, ils ne s'enfuiront pas avant le lendemain matin. Certains ont les portes ouvertes. Aucune lumière. Seules les lampadaires oranges de la gare diffusent un halo irréel dans les wagons.

Des dizaines de sièges vides. Qui se reposent. Qui laissent s'évaporer les dizaines de vies qu'ils ont transportées pendant la journée. L'air semble prendre leurs contours.

Hommes, femmes, fleuristes, dentistes, divorcés, musiciens, RMistes, insomniaques, nourrissons, étudiants, radins, fumeurs, rêveurs, amantes, familles nombreuses, philatélistes, optimistes, gastronomes, pères absents, cocus, sportifs, amoureux, follement amoureux, follement heureux ou malheureux.

Les trains les ont portés. Des sièges ont peut-être essuyé leurs pleurs. Des mains ont peut-être dessiné des adieux sur les vitres sales. Les trains en sont lourds. Les trains en sont épuisés et émus.

Alors, secrètement, quand vient le soir, ils ouvrent leurs portes pour que ces vies s'échappent et laissent la place aux suivantes. Hommes, femmes, fleuristes, dentistes...

 


– © Hors Les Murs – Mai 2000 –
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