Lille-Flandres aux heures creuses

Photos : Matthieu Crocq et Aymeric Scuvie – Texte : David Marquié

 

 

 


La gare de Lille conquise par les rats du ciel
 

Le hall est désespérement vide. Seul le bruit des machines à composter rythme la matinée. Quelques bruits de roulettes, quelques pièces de monnaie négligemment jetées sur le comptoir... Pour un peu, on entendrait les mouches voler. Mais à défaut de mouches, ce sont les pigeons qui s'en donnent à coeur joie : loopings, piqués, rase-mottes et autres voltiges. Pas un humain pour se mettre en travers de leur trajectoire.

« Faudrait les manger à la broche », suggère un employé pour tuer le temps. « C'est très bon, vous n'en avez jamais mangé ? » Puis il repart pour un brin de causette avec ses collègues.

À son poste, la jeune vendeuse de sandwiches semble se morfondre. Faute de clients, elle nettoie inlassablement les chromes de son comptoir. Elle le brique, elle en astique avec soin tous les contours pour ne pas avoir l'impression de perdre sa journée. Parfois un client... un sourire, quelques mots rapidement échangés. Mais les rencontres sont brèves et l'attente reprend. Toujours l'ennui.

De temps à autre, un ronflement de moteur brise le silence. Un train arrive, un autre part presque sans que l'on s'en aperçoive. Piégés par la langueur du mouvement, certains oublient et se retrouvent sur le quai, ruisselants, désespérés au bout d'un inutile dernier sprint.

Même la police des frontières semble gagnée par l'indolence générale. À l'arrivée d'un énième train en provenance de Belgique, trois agents attendent. Une vingtaine de personnes descend. Rien à signaler. Le train-train d'une matinée tranquille.

 

  Soudain, sous le panneau des départs, des pots de fleurs. Étrange apparition mais dont le délicat parfum, dans ce monde de graisse et de bitume, transporte l'esprit et ravive les sens. Un fleuriste vient de s'installer. Drôle d'endroit pour des bouquets. Un peu de vert dans la grisaille.


– © Hors Les Murs – Mai 2000 –
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