Servir à la brasserie de Lille-Flandres : un quotidien en face-à-face avec la population hybride de la gare.
   
Par Catherine Petillon – Photos : Perrine Dutreil et Mélanie Lemaire

 

[Real audio]
Extraits sonores

 


La "limonade"

 

 

 


Des militaires, des CRS, des gendarmes, des vigiles...
 

« Travailler à la gare Lille-Flandres ? L'horreur. Entre les toxicomanes, les prostituées et les gens hyper pressés, c'est l'horreur ! À la brasserie, ça va. C'est surtout à la limonade - le service debout - que la fréquentation est très difficile.

D'un côté il y a des piliers de bar, on a 20 % d'habitués qui passent toutes leurs journées ici. On les appelle par leur prénom, on les tutoie. Et jusqu'à 9 ou 10 heures du matin, on a plus de consommation de bière que de café. Avec eux il n'y a pas de problème : heureusement qu'ils sont là.

Mais il y a aussi énormément de toxicomanes. Les gens qui ne savent pas trop où aller, c'est à Lille-Flandres qu'ils viennent. En plus, la gare est une plaque tournante pour la drogue et la prostitution. On se trouve à un croisement entre le métro, qui est juste en-dessous, et la gare, qui accueille les TGV et les trains régionaux. C'est pour ça qu'on a des militaires, des CRS, des gendarmes et un service de sécurité interne à la gare. Dans notre société, nous avons aussi un service de vigiles. Et dès que le ton monte ou que des clients se font importuner, nous appelons la police pour que ça ne dégénère pas.

À Lille-Europe, c'est complètement différent. Parce que eux n'ont que la clientèle des TGV, qui nécessairement est une clientèle d'affaires ou des personnes qui ont plus de moyens. Ils ont en plus un service de vigiles, qui élimine tout de suite toutes les personnes indésirables qui n'ont rien à faire dans une gare. Donc fatalement, la population est très agréable.

Cela fait un an et demi que je travaille à la gare. On travaille de 5 h 30 le matin jusqu'à 23 heures au plus tard, si bien qu'on voit tout. Je me doutais bien en passant qu'il y avait des choses pas nettes, mais à ce point là ! Je n'aurais jamais imaginé… Mes amis sont effarés quand je leur raconte mon quotidien à la gare.

Pour ceux qui resteront là longtemps, je ne sais pas s'il y a beaucoup de points positifs. Moi, je continue encore un peu parce qu'il faut bien payer mes études. Mais j'ai quand même demandé une mutation dans un autre site de la même société. »

 


– © Hors Les Murs – Mai 2000 –
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